lundi 8 avril 2013

G comme... Guillotiné

Dans la "Feuille de Tournay", journal tournaisien du XIXe siècle, on peut lire :
Ce matin (15 avril 1848) à 6 heures, a eu lieu sur la Place Verte, l'exécution capitale de DANEULIN, l'assassin de la femme MAERTENS de Rumes.  Une foule assez nombreuse assistait à ce triste spectacle.  M. l'abbé Renier et le père Bouchard ont donné à ce criminel, les dernières consolations de la religion.  Arrivé au pied de l'échafaud, les forces lui ont presque manqué et il a été porté plutôt qu'il n'est monté jusqu'à l'instrument du supplice.  A 6 heures et quelques minutes, justice était faite.
Revenons grâce à ce journal local sur les événements qui ont conduit à cette exécution.

La Feuille de Tournai, 10 janvier 1848.
Le bruit courait aujourd'hui en ville qu'un assassinat avait été commis hier à Rumes.  Cette horrible nouvelle n'est que trop vraie.  Le Procureur du Roi et le juge d'instruction sont partis ce matin, vers 9 heures, pour aller sur les lieux recueillir les principaux renseignements qu'on ignore toujours.
Voici la version qui nous a été donnée.  Hier, vers onze heures et demi du matin, on a trouvé assassinée en son domicile à Rumes, la femme du sieur Eugène MAERTENS qui tient auberge à la barrière de Rumes, vis-à-vis du bureau des douanes.  Le sieur MAERTENS était en ce moment sorti pour faire sa visite du nouvel an au curé du village, qui est le frère de sa femme.  L'auberge du sieur MAERTENS est celle où vont d'ordinaire les gendarmes du lieu, qui ont leur caserne à 5 minutes de là.  L'assassinat a été suivi de vol.
La Feuille de Tournai, 13 janvier 1848.
D'après les nouveaux renseignements que nous avons pu nous procurer sur l''assassinat de la femme MAERTENS, de Rumes, il paraît que sa demeure n'est pas, ainsi qu'on nous l'avait dit, située en face du bureau des Douanes, mais à l'entrée du village, près de Froidmont, non loin de l'avenue du château de Mad.  Piat LEFEBVRE.
Cette maison est isolée.
Le cadavre de la victime a été trouvé dans un des fossés qui bordent la grand'route de Douai.  Cependant, le crime a été en partie commis dans la maison, le désordre et le sang répandu dans la chambre principale l'attestent ; la victime aura sans doute voulu échapper à son assassin qui a achevé de l'assommer dans le fossé.  Il devait être alors midi environ, car à 11 heures et demie, deux femmes allant vers Tournai, ont vu la femme MAERTENS à la porte de son cabaret.
On conçoit à peine l'audace d'un pareil forfait ! A l'heure de midi, dans une auberge barrière située sur une grand'route, une femme robuste de 40 ans est assassinée par un individu qui ne peur l'assommer qu'après une lutte acharnée : l'état horrible du cadavre le prouve suffisamment, et personne n'entend les cris de détresse de cette malheureuse, dont le cadavre est découvert à midi et quart.
En faisant une battue dans le bois de Vezon, situé à environ 200 pas de la maison MAERTENS, on a trouvé dans un buisson, le bâton ensanglanté qui a dû servir à perpétrer le crime.
Le vol a été de peu d'importance ; la recette de la barrière avait été versée la veille, et il n'a enlevé que le peu d'argent qu'il a pu trouver.
Au moment du crime, la fille de la victime ainsi que ses deux domestiques, étaient à la messe, et son mari était parti pour aller dans le pays de Charleroi faire une visite aux parents de sa femme.
Ce sont les gendarmes de la brigade de Rumes - qui prennent leurs repas chez les époux MAERTENS - qui ont découvert le cadavre.  Après avoir appelé vainement dans la maison, ils ont entendu sur la route les plaintes d'un jeune chien ; ils se sont dirigés de ce côté, et ont vu le pauvre animal couché sur le corps inanimé de sa maîtresse.

La gendarmerie a arrêté aujourd'hui jeudi, et écroué à la prison des Carmes, un individu véhémentement soupçonné d'être l'auteur de l'assassinat de l'épouse MAERTENS.  Il se nomme Alexandre DENELIN, ouvrier tanneur chez la veuve DUPONT, rue de Morelle, mais résidant à Orcq.  La justice possède, dit-on, les preuves les plus accablantes contre cet individu qui, jusqu'à présent, est encore en dénégation.
Ces preuves sont une des boucles d'oreilles de la victime, trouvée dans la bourse de DENELIN et un morceau du pantalon qu'il portait et que le chien a dû arracher en défendant sa maîtresse.  Ce morceau d'étoffe, trouvé près du cadavre, s'adapte à un des pantalons du prévenu.

La Feuille de Tournai, 17 janvier 1848.

Quoique l'assassin de l'épouse MAERTENS soit en aveu, il n'a pas encore, paraît-il, dit toute la vérité ; car la version qu'il donne tend à faire croire que son action est un acte de colère exaltée et non un crime prémédité.  Ses explications sont peu vraisemblables d'après l'état des lieux.  Il dit que comme il sortait de chez MAERTENS le dimanche, après y avoir pris la goutte, le chien de la maison lui a déchiré son pantalon, qu'il a rudement repoussé le chien, que la femme MAERTENS l'a injurié à cause de cela, qu'une querelle s'en est suivie, et, qu'aveuglé par la colère, il l'a frappée de son bâton près de la porte, qu'elle s'est sauvée alors sur la route, qu'il l'a poursuivie, etc... ; mais il persiste qu'il n'est pas rentré dans la maison, et conséquemment qu'il n'a rien pris.
D'après le plan que nous donnons plus haut, il est à peu près certain que la femme MAERTENS a été frappée non pas près de la porte d'entrée, ainsi que ledit DENELIN, mais près de la laverie ; la preuve, c'est qu'indépendamment de la mare de sang trouvée tout à côté, le chambranle et la porte de cette pièce sont tachés de gouttes de sang qui ont jailli jusque-là.  La mare de sang la plus rapprochée de l'entrée de la maison indiquerait que c'est là que la malheureuse victime est venue tomber ; l'assassin la croyant morte, lui aura pris ses boucles d'oreilles, puis ses clés pour fouiller le tiroir du comptoir et le coffre du cabinet, qui ont été trouvés ouverts.  Pendant qu'il faisait ses investigations, la femme MAERTENS revenue à elle, aura trouvé assez de force pour sortir de chez elle, et il l'aura poursuivie et achevée.  Il est constant qu'on à trouvé sur lui une des boucles d'oreilles de la victime ; l'autre a été ramassée sur la chaussée où il l'aura laissée tomber sans doute.  Quant aux clés, elles ont été trouvée sur le fumier de la cour de la maison, dans la direction du bois où a été trouvé le bâton ensanglanté.
C'est le mari de la victime qui a mis la justice sur la voie du coupable.  En apprenant, dans les environs de Charleroi où il était alors, que sa femme avait été assassinée le dimanche vers midi :
"Je connais l'assassin" a t'il dit, "ce doit être DENELIN ! Depuis plus de 6 mois, cet individu vient chez moi tous les dimanches à l'heure où ma femme est souvent seule, et sa manière d'être m'a toujours paru suspecte ; c'est au point que j'en ai averti ma femme."
Les prévisions du mari, comme on sait, ne se sont que trop réalisées !
Un rapide procès suivra l'arrestation et ledit DANEULIN sera accusé d'assassinat suivi de vol, commis avec préméditation sur la personne d'Isabelle DESCOT femme d'Eugène MAERTENS.  Il sera condamné à la peine de mort.  L'exécution de cet arrêt aura lieu sur l'une des places publiques de la ville de Tournai.
Le lieu du crime existe encore aujourd'hui.  Il s'agit aujourd'hui d'un petit dancing.



Source : Bulletin Généalogique Hainuyer, janvier 2008, article de Bernard DEMAIRE en collaboration avec les membres de l'AGHB Hainaut Occidental.


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