vendredi 24 juin 2016

Tournai (2) : Il n'y a pas que l'état civil et les registres paroissiaux !

Nous sommes toujours à Tournai, il y a tellement à dire (et puis aucune commune ne commence par U dans la région)
 
 
Donc, vous avez des ancêtres à Tournai.  On peut voir ça comme une difficulté à cause notamment des lacunes dans les registres suite aux destructions de 1940 notamment mais on peut voir ça aussi ça comme un défi.  La généalogie c'est bien plus amusant quand il faut chercher, sortir des sentiers battus, trouver des voies alternatives pour contourner les problèmes.
 
Je vais essayer de donner quelques pistes pour toutes celles et ceux qui ont des ancêtres à Tournai.  Ceci sera bien sûr ma vision des choses, ma méthodologie.  Je ne prétends pas tout savoir, connaître toutes les alternatives et pouvoir résoudre tous les problèmes.

Etat civil et registres paroissiaux
 
Les registres paroissiaux présentent de nombreuses lacunes, l'état civil, lui, est complet, il faut donc en profiter.
Si vous étudiez un patronyme peu fréquent (donc pas les LEFEBVRE, certainement le patronyme le plus courant de la ville), il peut être intéressant de faire un relevé systématique de tous les porteurs du patronyme.  A la fois dans les registres paroissiaux mais aussi dans l'état civil.  A ce niveau, les décès de l'état civil sont souvent utiles car en général filiatifs.  Ils permettent de connaître les parents d'un individu donc l'acte de mariage et/ou de décès a disparu ainsi qu'une date de baptême plus ou moins précise.
 
L'état civil ou les registres paroissiaux sont aussi très utiles.  Retrouver une personne originaire de Tournai dans une autre commune peut ainsi ouvrir de nouvelles pistes.
Ainsi, les registres de mariages des différentes paroisses de Lille sont souvent très utiles, en tout cas pour la période allant d'environ 1760 à 1792.
 
Prenons un exemple :
 
Antoine HELIN se marie le 11/06/1792 à Lille Saint-Sauveur avec Marie Ange CARPENTIER.
Antoine est originaire de la paroisse Notre-Dame à Tournai et est fils de Georges HELIN et de Michelle BROCART.  L'énorme intérêt des mariages de Lille à cette époque, est qu'on cite le lieu de naissance des parents des conjoints.  Ainsi cet acte nous apprend que Michelle BROCART est originaire de la paroisse Notre-Dame à Tournai et que Georges HELIN est originaire de Marchéville-en-Woëvre (France, département de la Meuse), à plus de 300 km de Tournai.  Sans cet acte, il serait très difficile et probablement impossible de retrouver l'origine de Georges.  Qui aurait l'idée d'aller chercher aussi loin, sachant notamment que le patronyme HELIN existe à Tournai et dans la région.
Ainsi, quelques recherches plus tard, on découvre que Georges HELIN est né le 22 septembre 1721 à Marchéville-en-Woëvre et est fils de Pierre et Agathe HENNESON, ouvrant des possibilités pour poursuivre l'ascendance.
L'acte de décès en 1789 de Georges HELIN étant filiatif, confirme ces infos, mais ne mentionne absolument pas le lieu de naissance de Georges.
Quand à Michelle BROCART, elle décède le 17 novembre 1796 à Tournai, âgée d'environ 80 ans.  L'acte n'est pas filiatif et n'apporte aucune info de plus.
Le baptême de Michelle BROCART en la paroisse de Notre-Dame à Tournai a disparu (lacunes) tout comme le mariage de Georges HELIN et Michelle BROCART, le 24 novembre 1750 en la même paroisse.
Est-on bloqué dans l'ascendance de Michelle BROCART, c'est possible.  Mais il est aussi possible de débloquer les choses grâce à d'autres archives.
 
Le recensement de Tournai de 1740/1741
 
Pour palier aux lacunes et espérer remonter un peu plus loin dans le temps, la source la plus utile est, pour moi, le recensement de Tournai de 1740/1741.  Ce sont aussi mes premières publications généalogiques il y a plus de 10 ans déjà.  Il ne se passe presque pas une semaine sans que je le consulte (voir le site de l'AGHB pour plus de détail).
Ce recensement existe pour toutes les paroisses de Tournai qui existaient en 1740 :
Notre-Dame, Saint-Jacques, Saint-Nicaise, Saint-Nicolas, Saint-Pierre, Saint-Jean, Saint-Quentin, Saint-Piat et Sainte-Marie-Madeleine.
Manque malheureusement le recensement de Saint-Brice (paroisse la plus peuplée de la ville).
Les paroisses Sainte-Catherine et Sainte-Marguerite n'existaient pas à l'époque.
 
Voyons donc si on retrouve la trace de Michelle BROCART dans le recensement de la paroisse Notre-Dame, vu qu'elle y est née selon l'acte de mariage de son fils.
 
On retrouve dans cette paroisse, une famille BROCAR, domiciliée à la rue du Thietart (ou rue du Testart, aujourd'hui rue de l'Arbalète)
 
Plan géométrique de Tournai dit Plan Picquet (1838) - On y retrouve la rue de l'Arbalète
La maison est la propriété d'une Mademoiselle CARPENTIER.  On y retrouve :
  • Jacques BROCAR, corps du stil, 47 ans
  • Marie Anne CAMPY, sa femme, 46 ans
  • Paul Joseph, apprenti de savatier, 15 ans
  • Marie Joseph, 8 ans
  • Marie Françoise, 6 ans, leurs enfants
Comme on le voit, les individus sont regroupés par famille.  Les âges sont très souvent indiqués ainsi que les professions.  Pas de trace de Michelle BROCART.  Il ne s'agit donc probablement pas de la bonne famille.
Pas d'autre famille BROCART dans cette paroisse.  Il faudrait faire les autres paroisses de la ville, pour essayer de la retrouver.
Néanmoins, le recensement de Tournai est une source très souvent indispensable.
 
Autres ressources
 
Les ressources sont nombreuses, mais demandent beaucoup de recherches et de se déplacer dans les dépôts d'archives (chose indispensable pour moi, ce n'est pas en restant derrière l'écran d'un ordinateur qu'on peut avancer en généalogie)
 
Voici quelques pistes, une liste non exhaustive de sources à consulter pour des recherches généalogiques à Tournai
  • Aux Archives de l'Etat à Tournai :
    • les archives des différentes paroisses de Tournai (Saint-Piat, Saint-Jean-Baptiste, Saint-Jacques, etc...).  Les inventaires sont consultables sur le site des Archives de l'Etat et permettent de préparer une visite aux archives.
    • le fonds des Etats du bailliage de Tournai-Tournaisis.  Un peu de tout, sur Tournai mais aussi et surtout sur le Tournaisis et son administration
    • le fonds du tabellion de Tournai. Le peu qui n'a pas disparu en 1940.  Concerne Tournai mais aussi toute la région.  Non inventorié en détail.  Mériterait un dépouillement exhaustif.
1763 - Vente par Marie Madeleine Pélagie COUVIN veuve de Pierre François HENNUIER et Maître Frédéric Joseph HENNUIER son fils unique, prêtre, d'une maison située rue des Croisiers à Tournai.
    • le Notariat.  Très riche pour le 19e siècle, pour Tournai mais aussi pour toute la région.
    • en bref, citons encore les archives de la manufacture royale des tapis de Tournai, les archives de la justice de Paix de Tournai, le fonds des hypothèques, les archives du tribunal des dommages de guerre de Tournai, les archives du bureau des travaux publics de la ville de Tournai, les archives de l'athénée royal Jules Bara, les archives du cercle royal d'Escrime Tournaisien, etc...
 
  • Dans les autres dépôts d'Archives de l'Etat :
    • Ne pas hésiter à fouiller les inventaires dans les différents dépôts d'archives.  Les possibilités semblent nombreuses.  Citons encore les contrats passés par devant les hommes de fief en Hainaut (contrats de mariage et surtout testaments) ou encore la riche série de comptes de la ville de Tournai conservée aux Archives Générales du Royaume à Bruxelles.
Extrait des comptes de la recette générale de la ville de Tournai (1733)
  • Dans d'autres dépôts d'archives à Tournai :
    • Il n'y a pas que les Archives de l'Etat à Tournai.  Citons les Archives de l'Evêché, les Archives du Séminaire de Tournai ou encore les Archives de la Cathédrale de Tournai (sans doute le plus intéressant mais le plus difficile d'accès) : des inventaires sont publiés régulièrement montrant la richesse de ces archives qui ont échappé aux destructions de la guerre.
 
 
  • Dans d'autres pays :
    • Tournai et la Belgique actuelle ont été rattaché à différentes époques à la France, aux Pays-Bas, à l'Autriche ou à l'Espagne.  Les archives de ces différents pays peuvent probablement ouvrir des pistes de recherches.  Citons par exemple les militaires de l'époque napoléonienne (sur le site Mémoire des hommes), parmi lesquels de nombreux belges.  Et bien sûr les Archives Départementales du Nord à Lille, avec par exemple la capitation de Tournai en 1696.
 
Tournai - Capitation (1696)
  •  Travaux d'érudits
    • De nombreux travaux d'érudits ont été publiés avant la destruction des archives en 1940.  On consultera donc avec intérêts les publications de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Tournai.
    • Les Notices Généalogiques Tournaisiennes, par le comte du Chastel de la Howardries.  Un des travaux les plus connus.  De nombreuses généalogies étudiées, essentiellement des familles notables de la ville de Tournai.  Bon travail à prendre avec du recul quand même, les erreurs existent.  Il convient de vérifier quand c'est possible.
    • Moins connu, mais pour moi, bien plus intéressant : les renseignements généalogiques sur les familles de Tournai et du Tournaisis, extraits des archives de la ville de Tournai, par Ferdinand Van den Bemden.  Il a consulté des milliers de chirographes tournaisiens et, pour chaque acte, a dressé un crayon généalogique.  4 volumes, plus de 1500 pages manuscrites.  Données souvent très anciennes, antérieures à 1700, ce qui rend assez difficile de faire le lien avec les archives plus récentes.  Mais travail de grande importance pour moi.  On a ici des données "brutes".  Et en plus, les sources consultées sont citées.  Dommage qu'il écrive si mal...
 
    • Travaux contemporains.  Des publications existent également.  Des inventaires d'archives sont régulièrement publiés (nombre d'archives ne sont pas encore inventoriées).  Je citerai juste "Bailli royal, seigneurs et communautés villageoises. Jeux et enjeux de pouvoirs en Tournaisis de la fin du XIVe à la fin du XVI siècle" par Florian Mariage ou "Des hommes du cru au service du souverain.  Répertoire prosopographique du personnel du bailliage de Tournai-Tournaisis (1383-1598)" par Florian Mariage.
 
Voilà ainsi un aperçu des recherches possibles à Tournai.  Malgré les destructions, il est encore possible de faire de belles découvertes et de faire des recherches généalogiques sur Tournai.  Bien sûr, cela demande beaucoup de temps, il faut consulter beaucoup de documents sans certitude du résultat et surtout il faut sortir de chez soi et aller sur le terrain.

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